J'ai
rêvé d'un corps,
sans
regard et sans parole,
tracé
par des lignes sinueuses,
comme
le cours d'un fleuve
qui
serpente,
anonyme
et discret,
en
arpentant les anfractuosités
de
mes pulsions
Des
sculptures et des dessins au trait sinueux, synoptique, qui enfante
des corps possibles, comme des fuites delueziennes à la réalité
matérielle du toucher et de la vue.
Shi
Hai hachure la femme, mais peu importe le sexe des rêves, à
laquelle on songe et qui engendre celles qu'on effleure dans notre
vie.
Son
œuvre, ce n'est pas du dessin, ceci, c'est du destin.
C'est
l'humain destin du dépassement du corps quotidien qui amène l'homme
à la recherche d'un corps idéal et immatériel, matrice
transcendante, idée platonique laissé aux soins du Demiurge de
notre rêverie.
Et
c'est en rêvant que tout artiste crée. Les sens de ce dernier,
son cerveau, hantés par le vécu du quotidien, ne retiennent
pas les yeux, la bouche et non plus les brillantes couleurs
naturelles du jour. Englouti dans le train-train du jour, trop de
sensations à la fois pour une âme sensible, toutes les figures se
ressemblent, le monde court trop rapide pour s’apercevoir des
différences des cœurs.
Au
soir, quand les pulsions refoulées se déchaînent et la
pensée, dans sa solitude, questionne elle-même, l'âme, dans son
petit coin à elle, réchauffée par le bout de bois de la
sensation et par la couverture rationnelle toujours trop courte,
serre une poignée d'émotions et les jette sur papier, refuge
parlant de son cœur.
Les
œuvres de Shi Hai narrent du masculin qui cherche le féminin, ou
aussi de son contraire, au-delà de la femme, au-delà de l'homme.
Ils nous confient la quête du différent qui s'imagine et qui se
trouve jamais. Heureuse quête du néant!
À
ces hautes latitudes de l'esprit, la rêverie se confond, se mêle,
avec la pulsion indiscrète de la contemplation, bien loin de la
possession. Le corps du jour n'a rien à voir avec la légèreté de
la nuit.
Il
ne s'agit pas d'un art érotique. L’érotisme, c'est le
plus ajouté au corps en vue d'impulsion d'appropriation. Shi
Hai questionne son ressenti et sa main trace les frontières
corporelles de son rêve intérieur, la chair, son appétit, ce n'est
qu'une fenêtre à demi fermée qui nous montre des éclairs de
spiritualité.
Ceci
sont des corps rêvés , crées dans leur explosion, dépassant
le trait qui contourne des souvenirs réels. L'acte d'artiste est
expression de son regard intérieur.
On dépasse Egon Schiele, l’impressionnisme de ce dernier, ses yeux, ses visages, devient, en Shi Hai, finalement corps, bas, main. Des dessins, des sculptures, ce ne sont que corps fluides, ouverts, à la rêverie.
Marco
Caccavo
2014
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